Auteur : Cristina Sampedro
Les maladies à prions peuvent être spontanées ou génétiques, ces dernières étant causées par une mutation de la protéine prion (PrP). Il s'agit de troubles neurodégénératifs rares mais dévastateurs qui touchent à la fois les humains et les animaux. Les principaux types de maladies génétiques à prions sont la maladie de Creutzfeldt-Jakob génétique (gCJD), l'insomnie familiale fatale (FFI) et le syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker (GSS). Parmi ces maladies, la plus courante est la maladie de Creutzfeldt-Jakob causée par la mutation E200K de la protéine prion (PrP). En termes simples, cette mutation entraîne le remplacement de l'acide aminé glutamate par une lysine à la 200e position de la protéine. Cette mutation, ainsi que d'autres, serait à l'origine de la maladie en rendant la PrP plus susceptible d'être mal repliée ou convertie en sa forme pathogène (PrPSc).
Une découverte récemment publiée par des chercheurs de l'université de Boston a révélé que l'architecture des régions de contact entre les neurones, appelées synapses, est altérée dans les neurones qui produisent de la PrP avec la mutation E200K, même en l'absence de la forme pathogène. En d'autres termes, cela signifie que des altérations sont observées au niveau de ces synapses avant que les dommages causés par la protéine mal repliée ne soient visibles, ce qui indique qu'il peut y avoir une toxicité due à l'absence de PrP cellulaire saine, et pas seulement à l'effet délétère de la PrP.Sc.
L'étude, publiée dans la revue Stem Cell Reports, ouvre une nouvelle fenêtre d'opportunité en suggérant qu'il peut y avoir des défauts détectables dans les neurones bien avant que les premiers symptômes d'une maladie héréditaire à prions n'apparaissent.
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont utilisé une technologie innovante pour générer des cellules souches pluripotentes induites. Pour ce faire, ils ont utilisé des cellules sanguines d'une famille dont certains individus étaient porteurs de la mutation E200K et les ont ramenées à un état similaire à celui des cellules embryonnaires. Ces cellules spéciales, qui, en raison de leur ressemblance avec les cellules embryonnaires, ont la capacité de générer tous les différents types de cellules qui composent l'organisme, peuvent être transformées en laboratoire de manière ciblée en cellules qui intéressent le chercheur. Dans ce cas, ces cellules de porteurs et de non-porteurs de la mutation E200K appartenant à la même famille ont été transformées en neurones afin d'étudier l'effet de cette mutation sur elles.
Pour s'assurer de l'exactitude de leurs résultats, les chercheurs ont pu comparer l'effet de cette mutation sur des neurones ayant un bagage génétique très similaire, puisqu'ils ont travaillé avec des échantillons provenant d'individus de la même famille. Cela permet de confirmer que les défauts observés dans les neurones affectés par la mutation sont dus à cette mutation et non à d'autres facteurs génétiques que les donneurs pourraient avoir. En outre, pour obtenir des résultats encore plus concluants, ils ont utilisé la nouvelle technologie CRISPR/Cas9, un outil d'édition de gènes de haute précision qui permet d'éditer l'ADN des cellules sur place pour corriger la mutation dans les neurones des porteurs de la mutation. De cette manière, il est possible de comparer des cultures de neurones ayant exactement le même bagage génétique, à l'exception de la mutation E200K.
Bien que l'étude ne permette pas de déterminer si l'effet observé est dû à l'acquisition d'une fonction toxique par la protéine mutée ou à la perte de fonction de la protéine cellulaire, des recherches antérieures chez l'animal suggèrent que la première hypothèse est la plus probable, car il ne semble pas y avoir d'effet sur le développement des neurones chez les animaux qui n'expriment pas la PrP cellulaire.
Pour l'avenir, les chercheurs estiment que l'utilisation de cultures de cellules souches pluripotentes induites représente une avancée significative vers la médecine personnalisée, car elles peuvent devenir une plate-forme puissante pour étudier et tester les thérapies futures en utilisant les cellules des patients eux-mêmes qui recevraient la thérapie. Cette approche permettrait non seulement de développer des traitements plus spécifiques, mais aussi de concevoir des thérapies ciblées sur les effets spécifiques de différentes mutations sur l'état des neurones.
Lien vers article original (en anglais).