Auteurs : Paula Marco et Nerea Larrañaga
Les maladies humaines à prions (telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), l'insomnie familiale fatale (FFI) et le syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker (GSS), entre autres) sont un groupe de troubles neurodégénératifs rapidement progressifs, mortels et potentiellement transmissibles, causés par le mauvais repliement de la protéine physiologique PrP.Cqui se traduit par une forme pathologique (PrPSc) ou prion, dont l'accumulation dans l'organisme (principalement dans le système nerveux central) entraîne la mort des neurones et le développement de la pathologie.
Ce groupe de maladies est extrêmement rare et donc peu connu, avec une incidence estimée à 1 ou 2 cas par million d'habitants et par an. Cependant, elles ont eu un impact significatif sur la santé publique en raison de leur transmissibilité potentielle, de leur gravité et de leur difficulté à être diagnostiquées, soulignant l'importance d'un suivi épidémiologique constant (c'est-à-dire une surveillance active du nombre de cas et de leur distribution globale). Une nouvelle étude publiée en juin 2024 et intitulée "Atlas épidémiologique mondial actualisé des maladies à prions humaines"présente une vue d'ensemble actualisée de la situation mondiale des maladies humaines à prions, révélant des faits importants sur leur distribution et les défis auxquels sont confrontés les systèmes de santé pour les surveiller.
Principales conclusions de l'étude
Les données épidémiologiques sur les maladies à prions humaines entre 1993 et 2020, issues des programmes de surveillance nationaux et internationaux de diverses sources, ont été analysées et rassemblées pour cette étude.
1) Augmentation du nombre de cas de maladies humaines à prions
De 1993 à 2020, une augmentation annuelle des cas de ces maladies a été observée, en particulier au cours des dernières décennies, ce qui pourrait être lié au développement de meilleurs diagnostics et à une surveillance accrue. Au total, sur les 27 années étudiées, 27 872 cas de maladies à prions humaines ont été signalés dans 34 pays, dont 24 623 cas de MCJ sporadique. La majorité de ces cas sont concentrés dans sept pays : les États-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Chine, le Royaume-Uni et l'Espagne.
2) Diminution des cas de maladies humaines à prions acquises
L'étude met également en évidence des cas de maladies à prions acquises (résultant d'une infection à prions provenant de sources extérieures), notamment le kuru (maladie endémique chez les peuples autochtones de Papouasie-Nouvelle-Guinée associée à des rituels cannibales), qui a été pratiquement éradiqué ; ainsi que la MCJ iatrogène (MCJi), qui découle d'infections nosocomiales telles que la neurochirurgie, et la variante de la MCJ (MCJv), causée par l'ingestion de prions bovins, avec 485 et 232 cas, respectivement, signalés dans le monde. Toutefois, les deux formes les plus courantes de MCJ, associées à l'administration d'hormones de croissance et aux greffes de dure-mère provenant de cadavres, ont diminué de manière significative à la suite de l'interdiction de leur administration. D'autre part, les cas de variante de la MCJ (vMCJ), associés à la consommation de viande contaminée par l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine (mieux connue sous le nom de "maladie de la vache folle"), ont atteint un pic au début des années 2000 et ont depuis diminué de manière significative grâce à des mesures de contrôle strictes dans la chaîne alimentaire.
3) Répartition mondiale, surveillance épidémiologique et sous-estimation des cas
Bien que les programmes de surveillance aient permis d'améliorer l'identification et la déclaration de ces maladies, certaines régions n'ont encore qu'une connaissance limitée des tendances en matière de maladies à prions. La plupart des programmes de surveillance des maladies à prions sont mis en œuvre dans des pays à revenu élevé ou moyen supérieur. Il n'est donc pas surprenant que les États-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Chine, le Royaume-Uni et l'Espagne soient les pays où le nombre de cas déclarés est le plus élevé. En fait, cela pourrait indiquer que le nombre de cas dans le monde est largement sous-estimé, en particulier dans les pays à revenus faibles et moyens inférieurs, où les maladies à prions ne sont pas signalées ou ne sont même pas détectées.
Importance de la surveillance épidémiologique mondiale
Bien que les maladies à prions restent rares, nous vivons dans un monde où les barrières géographiques n'arrêtent pas la propagation des menaces biologiques. Par conséquent, compte tenu de l'impact potentiel de ces maladies et de la possibilité de nouvelles épidémies telles que la "maladie de la vache folle", il existe un besoin évident de surveillance continue afin de mieux comprendre leur distribution et d'atténuer leur impact sur la santé publique. Toutefois, pour que cette surveillance soit efficace et pour éviter la sous-estimation des cas, il est essentiel d'étendre les réseaux de surveillance à l'échelle mondiale et d'améliorer les capacités de diagnostic dans les pays disposant de moins de ressources, où le manque de données peut masquer un problème de santé plus important. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible de s'assurer que tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu, sont équipés pour détecter et gérer efficacement ces maladies.
Conclusion
En résumé, la mise à jour de l'atlas épidémiologique nous rappelle que, bien que nous ayons beaucoup progressé dans la détection et le contrôle des maladies à prions, il reste encore un long chemin à parcourir pour garantir la santé et la sécurité au niveau mondial.